Gallimard vient de ressortir 10 romans de Patrick Modiano dans un seul volume souple qui sent bon la colle fraîche et qui est agrémenté de documents divers concernant la vie de l’auteur. Sur la couverture, on voit l’écrivain, austère et bras croisé, assis sur un canapé informe au dessus duquel on distingue deux tableaux dont l’un, long et peu large représente un paysage quelconque, un peu comme ceux qui sont décrits dans ses romans. Il porte une chemise noire, un pantalon clair dont on devine qu’il est feu aux planchers.
Le volume compte plus de 1000 pages et comporte donc 10 romans (sélectionnés par Modiano ) que voici : villa triste, livret de famille, rue des boutiques obscures, remise de peine, chien de printemps, Dora Bruder, accident nocturne, un pedigree, dans le café de la jeunesse perdue, l’horizon.
J’ai eu le bonheur d’en lire six et sept depuis hier puisque je viens de finir le roman ouvrant le recueil à savoir villa triste. Ce roman sorti en 1975 raconte l’histoire d’un type qui se fait appeler Victor Chmara (le narrateur) et qui se souvient d’une période de sa vie post-adolescente où dans le but de fuir Paris qui l’inquiétait (à cause de la guerre d’Algérie) s’installa dans une ville touristique savoyarde située au bord d’un lac non loin de la frontière suisse. Il y fit la connaissance d’Yvonne Jacquet ( se disant actrice), rencontré dans le jardin d’un hôtel de luxe et avec qui il noua une relation pseudo-amoureuse on va dire et de tous les gens gravitant autour d’elle et notamment un certain René Meinthe (se disant docteur), personnage un peu fantasque et mystérieux, il faut bien l’admettre, et à propos duquel Victor (se disant conte) aurait aimé en savoir plus. Victor et Yvonne s’installent en ménage dans un hôtel de luxe (encore un) et passent leurs journées à faire quoi au juste, on ne le sait et puis un jour René Meinthe leur fait découvrir sa villa, la villa triste, composée de grandes pièces au mobilier sommaire et dont l’une d'elles comporte un guéridon sur lequel est posé un téléphone qui retentit souvent au milieu de la nuit mais en général y’a personne qui y répond. Pour une raison qui échappe à la raison, le couple étrange demeure dans la villa triste quelques jours. Ils s’y sentent bien et rampent pour passer d’une pièce à l’autre et notamment pour aller répondre à ce fichu téléphone. Allô, allô, ici Henri kustiker, allô, allô....nan mais allo quoi (pfff). Comme de fait, dans les romans de Modiano, les personnes au bout du fil sont fantomatiques.
Ça se termine comme ça a commencé. Qui étaient tous ces gens ? Que sont-ils devenus ? Des années plus tard, Victor cherche toujours et revient sur les lieux. Il y retrouve l’un des protagonistes qui l'aide à monter ses bagages dans le train le ramenant à Paris :
Le train s’ébranlait. Il s’est aperçu brusquement que nous avions oublié une de mes valises, de forme circulaire, près du banc. Il l’a empoignée, s’est mis à courir. Il essayait de rattraper le wagon. A la fin il s’est arrêté, haletant, et m’a fait un grand geste d’impuissance. Il gardait la valise à la main et se tenait très droit sous les lumières du quai. On aurait dit une sentinelle qui rapetissait, rapetissait. Un soldat de plomb.
lecture : mai 2013
Gallimard, collection : Quarto
note : 4.5/5
à suivre :
Au bout des 200 premières pages, je ne donnais pas cher de ce roman racontant de façon naïve et très ‘Harlequin’ une histoire d’amour entre un écrivain de 30 ans et une fille de 15 ans dans une petite ville de l’Amérique profonde. J’étais consterné qu’un récit aussi mauvais ait pu être primé par l’Académie Française et puisse être présent sur la première liste pour le Goncourt 2012. D’ailleurs, même si la suite du roman est plus intéressante, je ne comprends toujours pas ! Enfin quoi ? Même François Busnel a aimé, même Télérama ! Au secours, je suis seul ! Que se passe-t-il ? Il y a quelque chose qui m’échappe.

C'est un cadeau de noël. Parait-il que je l'avais mis sur ma liste. Je ne m'en souviens plus. Peut-être que j'avais été subjugué par le titre..le vase où meurt cette verveine (extrait d'un poème de Sully Pruhomme).
Je stipulais dans une précédente note que je n'avais pas ressenti les mêmes émotions lors de cette deuxième lecture que lors de la première il y a à peu près 25 ans. Car il y a quelque chose dans Le Grand Meaulnes qui ne parle qu'aux adolescents et pour l'adulte qui s'y plonge, le but ne peut être que se rappeler l'adolescent qu'il fut.
Dans une petite ville de l'Amérique profonde, un notable a disparu après s'être bagarré avec un autre type pour une histoire de filles. Un privé embauché par la frère du disparu débarque de New York pour enquêter. Il se rend compte rapidement qu'il est tricard dans la ville mais il décide de poursuivre son enquête. Il découvre que le disparu (dont j'ai oublié le nom car cette lecture non marquante date de quelques semaines) exerçait une terreur sur la ville. Il était craint. Ensuite, je ne sais plus. Je me souviens juste qu'ill y a de jolies filles allongées sur des transats dans des villas luxueuses. Il fait toujours chaud, les gens ont la peau mouate, les routes sont poussièreuses et la nuit, les grillons chantent et les habitants engloutissent scotch sur scotch. C'est un polar américain des années 50 ni plus ni moins.
A la base, le roman devait s'appeler théorie des lisières. Je me demande si ce n'est pas parce qu'un autre gros roman de la rentrée s'appelle théorie de l'information (qui ne me fait pas du tout envie) que d'aucuns, l'éditeur ou l'auteur, ont décidé de changer le titre. Et puis, les théories de...c'est comme l'écologie, ça commence à bien faire. Il y a quelques années, on s'est tapé des éloges de en veux-tu en voilà, maintenant, ce sont des théories. Pourquoi pas, hein, moi aussi j'échaffaude des théories dans ma voiture (mais je ne les publie pas) mais ça fait quand même un peu présomptueux. Toujours est-il que c'est quand même quelque part une théorie que nous rapporte Olivier Adam dans ce roman autofictif (lui aussi y a sombré). Le narrateur, Paul Steiner ( ça claque) écrivain à succès de son état s'est retranché depuis quelques années en Bretagne où il coule des jours plutôt tristes depuis qu'il est séparé de sa femme et qu'il ne voit ses deux enfants que de temps en temps (d'émouvantes pages sont dédiées à la joie des retrouvailles, à l'amour plus fort que tout d'un père pour ses enfants). Il doit se rendre en région parisienne où il est né et a grandi pour rendre visite à sa mère, victime d'une mauvaise chute. Ce retour aux sources est l'occasion pour Paul de revenir sur ses années d'enfance dans cette petite ville périphérique. Il y retrouve des amis d'enfance qui pour beaucoup sont restés croupir dans ce no man's land pavillonaire qui le dégoute profondément tant il est laid et monotone. Le temps est venu de balancer sa science, sa théorie. Pourquoi se sent-il perpétuellement à côté de la fête ? Parce qu'il est un homme des lisières...lisières de la capitale dans un premier temps et lisières de la France ensuite en allant s'enterrer, ou s'emmerrer sur le littoral breton. Il est beaucoup question de cette France pavillonaire, de son mode de vie, de son vote, de ses aspirations. Paul, lui, a tout compris, il a embrassé le monde dans sa totalité, en a compris la complexité, il est donc de gauche et s'engueule gentiment avec son frère ainé, vétérinaire de droite et son père tenté par la blonde du fn. C'est intéressant à lire, c'est du brut de décoffrage. Paul vit en lisisères de tout. Il ne supporte pas le microcosme littéraire non plus, il ne supporte rien ce rabat-joie. Torturé de nature, il est touché par la Maladie et c'est lors de ce retour dans la maison de son enfance qu'il apprend par hasard un secret de famille qui a son sens explique ce manque qu'il ressent depuis son enfance. 
