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compte rendu de lecture - Page 4

  • CR246 : villa triste - Patrick Modiano

    patrick-modiano-litterateur-solitaire,M110430.jpgGallimard vient de ressortir 10 romans de Patrick Modiano dans un seul volume souple qui sent bon la colle fraîche  et qui est agrémenté de documents divers concernant la vie de l’auteur. Sur la couverture, on voit l’écrivain, austère et bras croisé, assis sur un canapé informe au dessus duquel on distingue deux tableaux dont l’un, long et peu large représente un paysage quelconque, un peu comme ceux qui sont décrits dans ses romans. Il porte une chemise noire, un pantalon clair dont on devine qu’il est feu aux planchers.

    Le volume compte plus de 1000 pages et comporte donc 10 romans (sélectionnés par Modiano ) que voici : villa triste, livret de famille, rue des boutiques obscures, remise de peine, chien de printemps, Dora Bruder, accident nocturne, un pedigree, dans le café de la jeunesse perdue, l’horizon.

    J’ai eu le bonheur d’en lire six et sept depuis hier puisque je viens de finir le roman ouvrant le recueil à savoir villa triste. Ce roman sorti en 1975 raconte l’histoire d’un type qui se fait appeler Victor Chmara (le narrateur) et qui se souvient d’une période de sa vie post-adolescente où dans le but de fuir Paris qui l’inquiétait (à cause de la guerre d’Algérie) s’installa dans une ville touristique savoyarde située au bord d’un lac non loin de la frontière suisse. Il y fit la connaissance d’Yvonne Jacquet ( se disant actrice), rencontré dans le jardin d’un hôtel de luxe et avec qui il noua une relation pseudo-amoureuse on va dire et de tous les gens gravitant autour d’elle et notamment un certain René Meinthe (se disant docteur), personnage un peu fantasque et mystérieux, il faut bien l’admettre, et à propos duquel Victor (se disant conte) aurait aimé en savoir plus. Victor et Yvonne s’installent en ménage dans un hôtel de luxe (encore un) et passent leurs journées à faire quoi au juste, on ne le sait et puis un jour René Meinthe leur fait découvrir sa villa, la villa triste, composée de grandes pièces au mobilier sommaire et dont l’une d'elles comporte un guéridon sur lequel est posé un téléphone qui retentit souvent au milieu de la nuit mais en général y’a personne qui y répond. Pour une raison qui échappe à la raison, le couple étrange demeure dans la villa triste quelques jours. Ils s’y sentent bien et rampent pour passer d’une pièce à l’autre et notamment pour aller répondre à ce fichu téléphone. Allô, allô, ici Henri kustiker, allô, allô....nan mais allo quoi (pfff). Comme de fait, dans les romans de Modiano, les personnes au bout du fil sont fantomatiques.

    Ça se termine comme ça a commencé. Qui étaient tous ces gens ? Que sont-ils devenus ? Des années plus tard, Victor cherche toujours et revient sur les lieux. Il y retrouve l’un des protagonistes qui l'aide à monter ses bagages dans le train le ramenant à Paris :

    Le train s’ébranlait. Il s’est aperçu brusquement que nous avions oublié une de mes valises, de forme circulaire, près du banc. Il l’a empoignée, s’est mis à courir. Il essayait de rattraper le wagon. A la fin il s’est arrêté, haletant, et m’a fait un grand geste d’impuissance. Il gardait la valise à la main et se tenait très droit sous les lumières du quai. On aurait dit une sentinelle qui rapetissait, rapetissait. Un soldat de plomb.

    lecture : mai 2013
    Gallimard, collection : Quarto
    note : 4.5/5
    à suivre :

  • CR245 : la vérité sur l'affaire Harry Quebert - Joël Dicker

    519xcxcektL._SL500_AA300_.jpgAu bout des 200 premières pages, je ne donnais pas cher de ce roman racontant de façon naïve et très ‘Harlequin’ une histoire d’amour entre un écrivain de 30 ans et une fille de 15 ans dans une petite ville de l’Amérique profonde. J’étais consterné qu’un récit aussi mauvais ait pu être primé par l’Académie Française et puisse être présent sur la première liste pour le Goncourt 2012. D’ailleurs, même si la suite du roman est plus intéressante, je ne comprends  toujours pas ! Enfin quoi ? Même François Busnel a aimé, même Télérama ! Au secours, je suis seul ! Que se passe-t-il ? Il y a quelque chose qui m’échappe.

    Bon, comme je le disais, les deux derniers tiers sont d’un autre tonneau car l’enquête sur la mort de la fille de 15 ans s’accélère et connaît de multiples rebondissements. C’est haletant comme se doit de l’être tout polar qui se respecte. Mais ça s’arrête là. Et ce n’est pas tant que le livre soit mauvais qui m’énerve mais plutôt cette unanimité autour de sa valeur.

    Je mets quand même la moyenne car c'est un bon policier. Je n’en dirai pas plus. Vite tourner la page.


    lecture : avril-mars 2013

    Editions de Fallois, 661

    note : 3/5
    à suivre : le tramway, Claude Simon (?)

  • CR244 : la bête qui meurt - Philip Roth

    9782070763597.jpgPhilip Roth est un grand auteur américain âgé de 80 ans dont le roman pastorale américaine m’avait époustouflé. D’autres m’ont un peu déçu mais globalement, c’est toujours avec émotion que je me plonge dans ses écrits dont le contexte est toujours un peu le même : il s’agit toujours plus ou moins de l’histoire de familles juives habitant à Newark dans le New Jersey et bien installées dans l’Amérique moderne et capitaliste. Derrière l’apparence du bonheur , Roth dévoile les tourments et les fêlures de gens parvenus habitués aux honneurs et au succès. Il y a toujours une faille quelque part et cette faille finit par se révéler et les empêcher de vivre dans un total épanouissement. Roth brosse des portraits précis et clairvoyants de ces personnages qu’il comprend d’autant mieux que derrière le roman, c’est sa propre vie qu’il raconte. Rare sont les écrivains qui se racontent avec tant de lucidité et sans tabou, notamment en ce qui concerne la sexualité, thème essentiel dans la littérature rothienne.
    On sort grandi de telles lectures et la force de Roth est de parvenir à ses fins avec un style très accessible. Chaque phrase tombe comme une évidence, chaque mot est à sa place, et tous les maux sont à leur place.
    La bête qui meurt est court mais sublime. Je le conseille fortement à qui voudrait découvrir Philip Roth. Le personnage principal est l’archétype du héros de Roth : un enseignant sexagénaire, très porté sur la chose tombe amoureux d’une jeune étudiante cubaine dont il devient accro. La bête qui meurt est l’histoire de cet amour charnel, sincère mais impossible dans une Amérique toujours aussi puritaine, voire pudibonde. Certaines scènes sont très érotiques, c’est un livre très hot mais écrit avec classe.
    On ne peut que s’incliner.

    lecture : janvier 2013
    Gallimard, 144 pages, prix interallié
    note : 4.5/5
    à suivre : le tramway, Claude Simon (?)

  • CR243 : 'oh...' - Philippe Djian

    thumb.jpgComme ceux de  Patrick Modiano et Eric Reinhardt, je lis tous les Phillppe Djian qui me passent sous la main. Il faudrait que les invite, tous les trois à souper, ça pourraît être sympa. Modiano-Djian : le gouffre entre un type passif et hésitant qui ne vit quasiment que par ses souvenirs et un type direct, qui vit avec son temps et qui déballe tout sans crier 'gare' (le seul point commun entre Modiano et Djian est l'homogénéité de leur oeuvre, sans ruptures, sans surprises, les romans se suivent et se ressemblent. Même univers, même ton, même style. On reste fidèle à sa marque de fabrique). Entre les deux, en arbitre,  Eric Reinhardt, philosophe et écrivain de gauche, auteur du sublissime Cendrillon en 2007. 

    'oh...' est le dernier roman de Philippe Djian. Michelle, héroïne et narratrice de cette histoire décoiffante semble tout droit sortie de Doggy Bag. Dans le vocabulaire des séries, on appelerait ça un 'spin-off'. Mais ce n'est pas le cas ici (c'était juste pour sortir ma science). Ceci dit, Michelle m'a fait beaucoup penser à Irène de Doggy Bag. Michelle est une jolie bourgeoise quinquagénaire (pour pas changer), bossant dans les médias (pour pas changer), qui vient de divorcer (pour pas changer), nymphomane (va sans dire), épicurienne (...) et qui n'a pas peur de dire ses quatre vérités (...). Son histoire est peu banale : au début du roman, elle est encore sous le choc d'un viol atroce qu'elle vient de subir à son domicile, au milieu du roman, elle couche avec son violeur (qui était autre que son voisin, un banquier beau qui chauffe son palace avec une chaudière bois à flamme inversée) et à la fin du roman, son fils tue le banquier pensant à tort déliver sa mère d'un horrible viol (car Michelle et Patrick jouaient à des jeux qui pouvaient prêter à confusion..). Pour le reste, le roman est un fratras insensé où se succèdent trahisons, coups de colère et drames. Philippe Djian raconte l'être humain sans rien s'interdire, avec comme seules autres considérations, quelques propos météorologiques (souvent dans les romans de Djian, les éléments se déchainent) ou botaniques (flore pavillonaire).

    Divertissant et jubilatoire. 

    lecture : janvier 2013
    Gallimard, 238 pages, prix interallié
    note : 4.5/5
    à suivre : la bête qui meurt, Philip Roth

     

  • CR242 : le vase où meurt cette verveine - Frédérique Martin

    compte rendu de lecture,littérature,littérature française,livre,culture,confitureC'est un cadeau de noël. Parait-il que je l'avais mis sur ma liste. Je ne m'en souviens plus. Peut-être que j'avais été subjugué par le titre..le vase où meurt cette verveine (extrait d'un poème de Sully Pruhomme).

    Pour des raisons de santé, Joseph et Zika, un couple de septuagénaires, doivent se séparer et quitter leur maison après cinquante huit ans de vie commune ininterrompue. Chacun est pris en charge par un des enfants. Commence alors une relation épistolaire où l'on se dit qu'on s'aime, qu'on se manque, on se rappelle les jours heureux, de la jeunesse, des enfants, ce qu'on n'a pas pas bien fait pour qu'ils soient si ingrats, et puis il y a la verveine dont Joseph doit s'occuper mais finalement elle meurt, symbolisant le dénouement  de cette histoire familiale pas drôle (nouvelle variation sur le thème 'les familles sont des asiles de fous') somme toute très moderne. 

    Si l'histoire tient  la route et donne à réfléchir sur la vieillesse et sa prise en charge, une fois de plus, j'ai été agacé par un roman épistolaire...deux êtres s'envoient des lettres, ce ne sont pas des fins lettrés (Joseph travaillait dans l'agriculture, je crois) et pourtant le style est impeccable, style d'écrivain en fait, et surtout, il n'y aucune différence entre les lettres sur la forme. On a tous son propre style, non ? Par ailleurs, afin d'informer le lecteur de certains événements ayant jalonnés leur vie (rencontre par exemple), l'auteur a dû faire dire a chacun des émissaires, des choses qu'ils savaient puisque les ayant vécu tous les deux. Cerise sur la gâteau : les lettres sont émaillées de dialogues dont le but est de retranscrire au mieux le quotidien de chacun. 

    C'est la raison pour laquelle, je ne suis pas fan des romans épistolaires. Ou on fait un roman épistolaire, et alors le narrateur doit vraiment se mettre dans la peau de celui qui écrit et abandonner son style propre( pas évident mais bon) soit on fait un roman tout court avec un narrateur extérieur au roman mais qui sait tout. 

    lecture : janvier 2013
    folio n°3309, 117 pages
    note : 2.5/5
    à suivre : oh, Philippe Djian

  • CR240 : Le Grand Meaulnes - Alain-Fournier

    GrandFOURNIERrec.jpgJe stipulais dans une précédente note que je n'avais pas ressenti les mêmes émotions lors de cette deuxième lecture que lors de la première il y a à peu près 25 ans. Car il y a quelque chose dans Le Grand Meaulnes qui ne parle qu'aux adolescents et pour l'adulte qui s'y plonge, le but ne peut être que se rappeler l'adolescent qu'il fut. 

    Ceci dit, même lu adulte, le roman reste troublant. A ce point troublant qu'une semaine après l'avoir terminé, je m'y suis replongé toute la soirée, butinant ici ou là et m'arrêtant plus précisément sur la fête étrange dans ce 'domaine mystérieux' quelque part dans la campagne solognote lors de laquelle des enfants parés d'effets seyants dansent pendant que des adultes festoient et ripaillent en attendant un couple de mariés qui n'arrivera jamais. S'imagine-t-on un château à moitié délabré dans lequel la fête s'organise jusque dans les moindres recoins ?

    Dans les couloirs s’organisaient des rondes et des farandoles. Une musique, quelque part, jouait un pas de menuet… Meaulnes, la tête à demi cachée dans le collet de son manteau, comme dans une fraise, se sentait un autre personnage. Lui aussi, gagné par le plaisir, se mit à poursuivre le grand pierrot à travers les couloirs du domaine, comme dans les coulisses d’un théâtre où la pantomime, de la scène, se fût partout répandue. Il se trouva ainsi mêlé jusqu’à la fin de la nuit à une foule joyeuse aux costumes extravagants. Parfois il ouvrait une porte, et se trouvait dans une chambre où l’on montrait la lanterne magique. Des enfants applaudissaient à grand bruit… Parfois, dans un coin de salon où l’on dansait, il engageait conversation avec quelque dandy et se renseignait hâtivement sur les costumes que l’on porterait les jours suivants…

    Augustin Meaulnes qui a débarqué dans cette fête tout à fait par hasard (après s'être perdu dans la campagne lors d'une fugue) fait la connaissance d'Yvonne De Gallais, la soeur de Frantz, le maître des lieux qui devait se marier (et qui reviendra seul avant de repartir comme une ombre). Alors la fête s'interrompt, s'estompe même pourrait-on dire tant elle semble être sortie d'un rêve. Le Grand Meaulnes rentre à Sainte Agathe où il retrouvera son ami François (le narrateur) et le Cours Supérieur. La suite de son existence ne sera qu'une quête, qu'une enquête...qu'était cette fête ? Où se situe le domaine mystérieux ? Qu'est devenu Yvonne de Gallais ? Le roman se déroule, les années passent mais les échos de la fête continuent de résonner. Et là, je ne peux m'empêcher de citer Daniel Leuwers qui préface l'édition de poche :

    Le merveilleux de ce roman réside dans un secret mouvement de balancier où le temps courtise son abolition, tandis que s'élève la rumeur d'une fête étrange dont la hantise se fait d'autant plus forte que l'existence s'en éloigne irrévocablement. 

    Tout est dit.

    lecture : octobre 2012, le livre de poche, note : 4/5

     

     

  • CR239 : une ombre sur la ville - Edward Sidney Aarons

    21199.jpgDans une petite ville de l'Amérique profonde, un notable a disparu après s'être bagarré avec un autre type pour une histoire de filles. Un privé embauché par la frère du disparu débarque de New York pour enquêter. Il se rend compte rapidement qu'il est tricard dans la ville mais il décide de poursuivre son enquête. Il découvre que le disparu (dont j'ai oublié le nom car cette lecture non marquante date de quelques semaines) exerçait une terreur sur la ville. Il était craint. Ensuite, je ne sais plus. Je me souviens juste qu'ill y a de jolies filles allongées sur des transats dans des villas luxueuses. Il fait toujours chaud, les gens ont la peau mouate, les routes sont poussièreuses et la nuit, les grillons chantent et les habitants engloutissent scotch sur scotch. C'est un polar américain des années 50 ni plus ni moins. 

    Je me suis procuré ce livre lors d'une brocante. Ses feuilles jaunies sentaient bon les années passées au fond d'un grenier. Parfois, la découverte d'un auteur se joue à peu de chose.

    Edward S.Aarons naquit en 1916 à Philadelphie, il passa sa vie à écrire des polars et il disparut en 1975. En 2012, l'un de ses polars eut l'honneur d'être évoqué dans l'espèce ce blog.

    lecture : octobre 2012, éditions du masque, , note : 3/5

  • CR238 : les lisières - Olivier Adam

    9782081283749.jpgA la base, le roman devait s'appeler théorie des lisières. Je me demande si ce n'est pas parce qu'un autre gros roman de la rentrée s'appelle théorie de l'information (qui ne me fait pas du tout envie) que d'aucuns, l'éditeur ou l'auteur, ont décidé de changer le titre. Et puis, les théories de...c'est comme l'écologie, ça commence à bien faire. Il y a quelques années, on s'est tapé des éloges de en veux-tu en voilà, maintenant, ce sont des théories. Pourquoi pas, hein, moi aussi j'échaffaude des théories dans ma voiture (mais je ne les publie pas) mais ça fait quand même un peu présomptueux. Toujours est-il que c'est quand même quelque part une théorie que nous rapporte Olivier Adam dans ce roman autofictif (lui aussi y a sombré). Le narrateur, Paul Steiner ( ça claque) écrivain à succès de son état s'est retranché depuis quelques années en Bretagne où il coule des jours plutôt tristes depuis qu'il est séparé de sa femme et qu'il ne voit ses deux enfants que  de temps en temps (d'émouvantes pages sont dédiées à la joie des retrouvailles, à l'amour plus fort que tout d'un père pour ses enfants). Il doit se rendre en région parisienne où il est né et a grandi pour rendre visite à sa mère, victime d'une mauvaise chute. Ce retour aux sources est l'occasion pour  Paul de revenir sur ses années d'enfance dans cette petite ville périphérique. Il y retrouve des amis d'enfance qui pour beaucoup sont restés croupir dans ce no man's land pavillonaire qui le dégoute profondément tant il est laid et monotone. Le temps est venu de balancer sa science, sa théorie. Pourquoi se sent-il perpétuellement à côté de la fête ? Parce qu'il est un homme des lisières...lisières de la capitale dans un premier temps et lisières de la France ensuite en allant s'enterrer, ou s'emmerrer sur le littoral breton. Il est beaucoup question de cette France pavillonaire, de son mode de vie, de son vote, de ses aspirations. Paul, lui, a tout compris, il a embrassé le monde dans sa totalité, en a compris la complexité, il est donc de gauche et s'engueule gentiment avec son frère ainé, vétérinaire de droite et son père tenté par la blonde du fn. C'est intéressant à lire, c'est du brut de décoffrage. Paul vit en lisisères de tout. Il ne supporte pas le microcosme littéraire non plus, il ne supporte rien ce rabat-joie. Torturé de nature, il est touché par la Maladie et c'est lors de ce retour dans la maison de son enfance qu'il apprend par hasard un secret de famille qui a son sens explique ce manque qu'il ressent depuis son enfance. 

    C'est un roman très ambitieux, légèrement agaçant mais pas prétentieux du tout. Sur le fond, il est d'ailleurs difficile à critiquer tant l'auteur aborde les problématiques dans tous les sens, par tous les bords, en n'oubliant pas de faire son autocritique. Il circonvolue sans cesse et ferme la boucle avec talent. De ce récit, je dirais, qu'il est d'un humain avant tout, ou à l'os comme le répète souvent l'auteur lors de ses passages médiatiques. 

    lecture : octobre 2012, éditions Flammarion, kindle, note : 4/5

    Loïc LT

  • CR237 : l'herbe des nuits - Patrick Modiano

    compte rendu de lecture, littérature, patrick modiano, lecture, roman, livre, culture, littérature françaiseL'herbe des nuits, c'était bien. Voyez comme je suis inspiré en ce moment. Première lecture depuis deux mois, c'est déjà une bonne chose. Maintenant, il faut se remettre à écrire, trouver les mots, les idées. C'est difficile pour moi, de plus en plus difficile. J'ai du mal à m'exprimer. Confortablement installé dans ma petite vie d'ouvrier, normalement accaparé par mes responsabilités familiales, occupé dans mon jardin dont je ne sais en fin de compte si le jeu en vaut la chandelle, la littérature est reléguée au second plan. Alors l'autre jour, je me suis dis qu'il fallait réagir, se forcer un peu bon sang, sinon on se laisse aller comme ça, on trouve toujours autre chose à faire qu'à lire...il faut que tu t'y remettes me suis-je dis et donc ça tombait bien puisque le jour du sursaut coincida avec celui de la sortie du nouveau roman de Patrick Modiano, qui bon an mal an reste sans doute mon écrivain préféré. 

    Alors, l'herbe des nuits, c'était vraiment bien ? Oui. Mais encore ? C'était du Modiano tout simplement. Le narrateur s'appelle Jean et il évolue dans le Paris d'aujourd'hui, ce Paris où d'aucuns usent d'Iphone (l'auteur en parle, c'est fou non...pas vraiment mais quand c'est Modiano, ça fait bizarre) et il possède un petit carnet noir dans lequel il a pris des notes à propos de personnages un peu louches avec qui il fit plus ou moins connaissance dans les années 60. C'était une sorte de bande aparemment d'origine marocaine que Dannie, l'amie de Jean  (avec qui il ne couche pas hein, ah non, pas de ça chez Modiano -) et proche de la bande appelait 'les toquards de l'Unic Hôtel', l'Unic Hôtel étant un  hôtel situé dans "l'arrière-Montparnasse" (c'est à dire dans le Montaparnasse périphérique où personne ne va sauf les héros de Patrick Modiano) dans lequel se retrouvait la bande afin sans doute de préparer un mauvais coup. 

    Quel mauvais coup ? L'exquis en même temps qu'agaçant François Busnel (agaçant cette façon se s'adresser à ses interlocuteurs à la 3ème personne) y a vu l'ombre de l'affaire Ben Barka dont je viens de prendre connaissance sur wikipedia. Soit. Peut-être mais qu'importe. Qu'importe car dans les romans de Modiano, l'histoire ne compte pas autant que l'atmosphère et les phrases qui l'évoquent. Pour l'anecdote, il y a un mort à la fin. On ne sait pas trop qui (Ben Berka lui-même ?). 

    Mais les dimanches, surtout en fin d'après-midi, et si vous êtes seul, ouvrent une brèche dans le temps. Il suffit de s'y glisser. C'est juste ce que je demande à un bon roman : une atmosphère et quelques phrases qui font mouche. 

    A propos de ce roman, Eric Chevillard écrit

    Je lis L’Herbe des nuits, le nouveau roman de Modiano, comme à chaque fois porté aux nues par la critique. Et certes l’auteur est attachant, certes il a un univers : Paris le soir il y a longtemps. Mais tout de même, c’est bien fluet, non ? Pauvre en sucre, pauvre en graisse. On ne va pas s’en crever la panse, sûr. Et si cette poignante nostalgie qui nous vient en le lisant était d’abord celle de la littérature ?

    ...

    lecture : octobre 2012, éditions Gallimard, kindle, note : 4/5

  • CR236 : ouvrière - Franck Magloire

    Ouvriere.jpgOuvrière n'aurait jamais dû avoir l'honneur de  subir ma lecture...et du coup ma critique...attention...Mais voilà, un fait divers en a décidé autrement et ce récit de Franck Magloire sorti en 2002 a débarqué sur ma tablette quelques jours après que je terminai l'établi de Robert Linhart. Les deux romans ont le point commun de traiter de la vie ouvrière mais globalement, la comparaison s'arrête là.  

    La mère de l'écrivain fut toute sa vie une employée modèle  et discrète d'une usine Moulinex (nous possédions jusque dimanche dernier un barbecue électrique de marque moulinex mais il a brutalement rendu l'âme alors que les saucisses étaient à peine cuites, du coup, on a dû les finir à la poèle..ndlr) située en périphérie de Caen (sont-ce ses jambes..magnifiques que l'on voit sur la couverture ?). Après la fermeture de l'usine, son fils entreprend d'écrire sa vie d'ouvrière. Le travail s'effectue à deux. Elle raconte, il écrit. Mais elle est la narratrice. Dispositif très subtile qui tient la route je dois dire, même si au début, on est un peu surpris qu'une ouvrière s'exprime avec autant de raffinement. 

    C'est le récit de son quotidien d'ouvrière du hasard de son embauche jusque la retraite (et qui si je me souviens bien se produit en même temps que la fermeture définitive de l'usine).  Au plus près de la réalité, avec sincérité sans rien cacher, sans exagérer dans un sens ou dans l'autre. Solidarité entre ouvriers, amitiés, conflits, révoltes...il y a de la colère par moments mais ce n'est jamais militant...et puis par moments des quasi-déclarations d'amour  mêlées d'un certain fatalisme quant au sens de tout celà, en forme d'envolée lyrique...

    Je ne saurais dire s'il s'agit d'une sorte de bonheur familial à invoquer malgré la dureté des angles, d'une sève humaine mêlée et foncièrement incompressible qui absorberait l'assèchement du béton armé et le bruit incessant des machines dans les ateliers...ou bien si c'est le corps entier de l'usine elle-même, mère nourricière engrossée par le paternalisme des chefs à tous les niveaux de la hiérarchier, qui nous exhorte à croire à cette seconde famille...comme aujourd'hui dans leur journal interne et sur ces photos d'hier placardées en frise historique à l'accueil.... le temps nous déborde, qu'on le veuille ou non, nous vieillissons avec l'usine qui demeure...(p77)

    C'est un très beau récit qui rappelle aussi que l'ouvrier n'est qu'un pion qu'on déplace ou qu'un supprime sur l'échiquer de la mondialisation financière. Aujourd'hui, Moulinex n'est plus qu'une marque qui fabrique des barbecues électriques peu fiables: toutes les usines normandes du groupe ont fermé ou ont été cédées. L'établi se termine également par la fermeture de l'usine. A chaque fois, quelque part, on a envie de se dire : tout ça pour ça. 

    lecture : juillet 2012, Points, kindle, note : 4/5